Mon entraînement avec les bédouins du désert de Wadi Rum

Mon entraînement avec les bédouins du désert de Wadi Rum

Mon entraînement avec les bédouins du désert de Wadi Rum 800 600 Axel Deambrosis

Suite à ma traversée du Sahara en solitaire par la côte Ouest, j’ai réalisé que je n’étais pas assez préparé. Pendant environ 25 jours j’ai exploré la Jordanie en stop jusqu’à rencontrer une personne qui allait être la clé de mon évolution. Je suis resté 1 semaine avec les bédouins afin d’apprendre leurs techniques de survie dans le désert. Puis j’ai réalisé une courte traversée de 2 jours afin de mettre en application tout ce que j’avais appris.

À la découverte de la Jordanie et mon entrainement chez les bédouins du désert de Wadi Rum

Il y a des paysages que je n’oublierai pas, mais par-dessus tout, il y a des rencontres qui resteront à jamais gravées dans ma mémoire.

L’aventure telle que je la conçois aujourd’hui, c’est sortir de sa zone de confort, aller là où notre raison nous dit « mais pourquoi ? », là où notre ventre ressent un mélange de peur et d’excitation. Et toujours rester curieux.

Après avoir expérimenté le Sahara en solitaire, notamment en Mauritanie, j’avais besoin d’approfondir l’expérience. En février, j’ai tenté de traverser le désert Blanc et Noir en Égypte. Mais… la réalité géopolitique du terrain en a voulu autrement. Je suis alors rentré frustré de cet échec.

Seul j’avais la volonté nécessaire pour avancer dans le désert mais seul je n’avais pas toutes les connaissances. Il me fallait de l’aide.

Le hasard a placé la Jordanie sur ma route. J’ai d’abord innocemment commencé à découvrir ce pays en stop jusqu’à rencontrer la personne qui allait être la clé de mon évolution.

La Jordanie est un pays du Moyen-Orient avec une superficie 6 fois plus petite que celle de la France. Son histoire et sa culture sont riches et diverses. On y parle arabe mais un arabe différent de ce que j’ai pu apprendre donc il m’a fallu revoir mes fondamentaux. Le pays est traversé par deux axes principaux. L’autoroute qui relie le nord au sud en une longue ligne droite et la fameuse route des rois. Cette ancienne voie des caravanes était autrefois une route commerciale très importante reliant la Syrie à l’Arabie. Aujourd’hui elle zigzague dans le pays par l’ouest au grès du relief vallonné. On y retrouve de nombreux sites antiques comme Jerash, Madaba, Kerak, et Pétra, l’une des sept merveilles du monde moderne. J’avais du temps. Alors mon choix était vite fait. J’ai donc pris cette vieille route ancestrale pour découvrir les habitants et l’histoire de la Jordanie.

Après plusieurs jours à vagabonder, je me suis dirigé vers un des déserts les plus célèbres au monde : Wadi Rum. D’imposants monticules sombres ou ocres parsèment le paysage. Creusé par l’érosion, l’eau y a dessiné des canyons, arches, falaises et grottes. C’est ici que des films mondialement connus ont été tourné comme Seul sur Mars, Prometheus ou encore un Star Wars. C’est également ici qu’on retrouve une partie de l’héritage du célèbre Lawrence D’Arabie. Un lieutenant britannique qui a réussi à unifier les tribus arabes contre l’Empire Ottoman. Ses faits d’armes ont traversé le temps et sa présence dans les lieux est cultivée par les ruines de son ancienne maison et la source d’eau qu’il utilisait. C’est donc dans cet environnement que j’ai évolué.

Les habitants de ce désert hostile sont appelés les bédouins. Ils sont sédentaires, et vivent regroupés dans le seul village du coin : Wadi Rum Village. Grâce aux films et aux légendes qui entourent ce désert, les bédouins ont rapidement compris l’importance de leur situation géographique et le lieu a connu un essor fulgurant. En seulement quelques années, ils ont construit dans le désert, à proximité du village, une vingtaine de camps adaptés à l’accueil des touristes. Aujourd’hui, l’axe principal qui relie le village aux camps est malheureusement devenu une autoroute à jeeps. C’est dans ce mélange étrange de bédouins, gardes militaires, afflux de touristes, jeeps et dromadaires que je vais rencontrer celui qui va très vite devenir un ami : Rad.

Rad est un bédouin de ce désert. « Les bédouins c’est les gens qui habitent dans le désert ou dans les montagnes. On aime les choses simples. Ici, je m’occupe d’emmener les touristes faire des tours en 4×4 dans le désert » m’a-t-il dit. C’est comme ça qu’il gagne sa vie. J’ai passé environ 1 semaine avec lui, à vivre son quotidien. Rad m’a beaucoup appris, nous avions à peine 2 ans d’écart ce qui nous a permis de rapidement nous lier d’amitié. Nous partagions nos connaissances. Lui était un expert du terrain, quant à moi, j’avais une vision plus générale. Un jour lors d’une sortie 4×4, je fus intrigué par ces belles fleurs blanches qui apparaissent une fois la nuit tombée puis meurent à l’aube. « Est-ce que vous les utilisez ? » lui ai-je demandé pour la centième fois de la journée à chaque fois qu’une tige verte pointe son nez hors du sol. « S’il y en a une aussi grande quantité c’est que l’homme n’en a pas besoin ». J’avais ma réponse.
Certains soirs, nous partions loin dans le désert pour passer la nuit dehors. Autour d’un feu nous parlions de tout, sa vie ici, celle chez moi en France, du foot et des femmes. Faute de consommer de l’alcool, les bédouins vivent constamment avec une cigarette dans la bouche.

Après 7 jours auprès des bédouins, il était temps pour moi de tracer ma route. À ma grande surprise, ils étaient déjà au courant du petit challenge que j’avais décidé de me lancer : relier Aqaba à pied par le désert. « Mais comment vous avez su que je voulais faire ça ? » leur ai-je demandé. « Il n’y a que les européens pour marcher » m’ont-ils répondu en rigolant.
Au programme, 2 jours de marche, 1 nuit dehors et entre 40 à 60km à réaliser. L’objectif n’est pas de chercher mes limites mais de conclure mon expérience auprès des bédouins et valider tout ce que m’avait notamment appris Rad.

Les au revoir ont été simples et souriants, mais au fond de moi j’étais ému. Une gratitude immense envers la vie et le hasard des rencontres. Un pied devant l’autre, sans me retourner, j’ai quitté le camp des bédouins.

Le vent rendait la marche agréable et me permettait de très peu transpirer. La progression me semblait lente puisque les distances sont grandes et les points de repères sont d’imposants monolithes à perte de vue.
En fin de journée, j’ai fini par quitter le sable pour progresser dans un terrain plus rocailleux. Le Soleil tombait doucement derrière les montagnes. Il était temps pour moi de me trouver un abri. « Trouve toi un endroit en haut. Pas en contact direct avec le sol. Si tu trouves une grotte c’est l’idéal » me rappelais-je des conseils de Rad. Mon radar était lancé. Peu avant la nuit tombée, j’avais trouvé mon hôtel 5 étoiles du désert. Une cavité sur un aplomb rocheux à environ 20m du sol.
D’anciens nids d’oiseaux tombés au sol m’ont permis d’allumer rapidement un feu.
Il ne me restait plus qu’à sortir ma casserole et mes aliments pour préparer le plat traditionnel des bédouins de Wadi Rum, le gailyalla. Un plat typique à base de légume, épice et bœuf que je connaissais bien puisque nous le préparions à chaque sortie 4×4 touristiques.

Une fois la nuit installée, j’avais au préalable pris soin d’embarquer dans mon sac à dos un objet datant de l’antiquité : une lampe à huile. La symbolique y est forte puisque je n’ai cessé de voir cet objet dans tous les musées et sites archéologiques de la Jordanie. En terre cuite et de la taille d’une clémentine, cette lampe à huile légère et de petite taille m’offrait une flamme douce et apaisante. Mon ombre dansait sur le mur de la grotte. Les paupières lourdes et le ventre bien rempli, je m’effondrais dans mon sac de couchage.

Au milieu de la nuit, des aboiements de chien m’ont extrait de mon sommeil. Les yeux grands ouverts, de multiples scénarios ont défilé dans ma tête. J’ai toujours un couteau avec moi dans mon sac de couchage. Mais après quelques instants, mes pensées rationnelles m’ont remis les idées en place. Dans cette région désertique, un chien errant ne survie pas. Il y a donc la présence d’Homme. A cette heure tardive et en l’absence de bruit évoquant un mouvement, j’en ai conclu qu’il y avait des baraquements de bergers dans les alentours que je n’avais pas vus.

Au réveil, n’ayant pas servi de ripaille ni pour les chiens ni pour les loups et encore moins pour les hyènes, ni pris pour cible par les serpents et scorpions, j’ai pu émerger paisiblement de mon sac de couchage.

Une dizaine de kilomètres à pied ont été nécessaires pour accéder à une route et finir l’aventure en stop jusqu’à Aqaba. Après les paysages martiens que je venais de traverser, je ne voyais aucun intérêt à marcher au bord d’une route sale de déchets. Le premier conducteur qui m’a pris était un saoudien. La frontière avec l’Arabie Saoudite étant à seulement une vingtaine de km, je n’ai pas été surpris. Notre discussion était assez rudimentaire car il ne maîtrisait que très peu l’anglais et mon arabe est approximatif, mais il est venu ici faire du business. Il voulait me déposer directement à Aqaba mais ironiquement, il n’avait presque plus d’essence.
J’ai très rapidement trouvé d’autres voitures pour me mener à ma destination finale. Mon arrivée signait la fin de mon aventure en Jordanie. Il était maintenant temps pour moi de me reposer et profiter des merveilles de la mer rouge.

Cette expérience en Jordanie m’a permis de découvrir et de visualiser une partie de l’histoire que je méconnaissais. Les anciennes ruines, les mosaïques et les pièces de monnaies trouvées par les bédouins dans les montagnes animent la mémoire des romains. Ces pièces antiques ressortent de terre après les rares épisodes de pluies. Les temples, cavités et gravures ancestrales de ce peuple nabatéen qui avait autrefois la maîtrise des lieux m’ont émerveillé.

Mais ce que m’a le plus fasciné, ce sont les relations humaines que j’ai pu créer et surtout ma rencontre avec Rad. C’est la première fois que se noue une amitié aussi simple et sincère au cours d’une de mes aventures. Étrangement nous étions les mêmes mais dans un milieu opposé. Moi je suis arrivé ici rêvant de désert et lui m’a confié son rêve de gravir le Mont Blanc. Je ne sais pas pourquoi mais je sens qu’on se reverra un jour.