La traversée du Sahara par la côte Ouest

La traversée du Sahara par la côte Ouest

La traversée du Sahara par la côte Ouest 1200 900 Axel Deambrosis

J’ai lu de nombreux récits et livres à ce sujet, comme l’Alchimiste de Paulo Coelho. Un berger andalou qui parcourt le désert à dos de chameau. Mais alors qu’en est-il aujourd’hui. Est-ce possible de traverser cette immensité désertique ?

Traverser le Sahara, c’est possible ?

Pour cette première expérience avec le désert, j’ai longé le Sahara par la côte Ouest. Plus de 3000km de stop, train de marchandises et à pied pendant 30 jours, que je vous dévoile aujourd’hui à travers ce récit d’aventure.

Le Sahara a toujours éveillé ma curiosité. Récemment j’ai enfin décidé à faire le premier pas. Puis le second est parti tout seul jusqu’à réaliser la traversée intégrale.

En tout cas, ce n’était pas dans les livres que j’allais résoudre mon énigme mais bien sur le terrain ! Pour cette première expérience avec le désert, je décide d’expérimenter la côte Ouest du Sahara. Je ne suis pas encore assez fou pour tenter de traverser les 5000 km d’Est en Ouest et les nombreux pays en guerre. C’est pour cela que mon aventure commence à Marrakech. Une ville foisonnante de vie et de couleurs, c’est ici que j’ai commencé à récolter des informations et le matériel qui me manquaient. L’achat d’une djellaba était une évidence. C’est cette longue robe ample munie d’un capuchon. Ce vêtement traditionnel est très répandu dans toute l’Afrique du Nord. C’était le premier pas pour plus tard paraître discret sur les chemins de montagne et routes du désert. Un couteau berbère au manche et fourreau décorés de cuivre ciselé est venu compléter mon attirail d’apprenti local. Une fois prêt, je me dirige vers le Sud mais en faisant un léger détour…

Bivouac sur le plus haut sommet d’Afrique du Nord

L’Atlas est une chaîne de montagnes qui traverse le nord-ouest de l’Afrique, s’étendant sur environ 2 500 kilomètres à travers le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. C’est au Maroc qu’on y trouve le point culminant de cette chaîne de montagnes et de toute l’Afrique du Nord : le Djebel Toubkal. Il atteint une altitude de 4 167 mètres.

C’est exactement là-bas que je me dirige et mon intention est clair dès le début, dormir au sommet ! Malheureusement suite à des actes criminels envers des touristes, la zone est maintenant contrôlée et protégée par la police. Au premier jour de mon arrivée, je n’avais pas conscience de tout ce dispositif mis en place. Je me retrouve alors très vite bloqué par un barrage de police à l’entrée du chemin pour accéder au sommet.
Je tiens quand même à préciser que grâce à ma djelaba, ils m’ont d’abord pris pour un local, mais dès que j’ai dit « Salam Alaykoum » (bonjour en arabe) avec un bel accent français, ma couverture était grillée. Le passage m’a été refusé. Dépité, j’ai donc fait demi-tour plus bas pour regagner le village. Errant dans les rues, j’ai rapidement fait la rencontre d’Amid, un guide local qui a accepté de me suivre dans mon challenge. Il nous a fallu une journée de randonnée à arpenter les sentiers rocheux pour accéder au sommet. Au final, après avoir signé une décharge auprès des autorités, Amid m’a laissé seul au sommet du Toubkal. Il n’avait pas envie d’avoir froid et il a bien eu raison… Après avoir installé mon campement, me voilà émerveillé face au coucher du Soleil depuis le point le plus culminant de l’Atlas. Mais le froid a très vite surgi. La nuit a été courte, mon eau s’est gelée et mon corps grelotait en somnolant mais j’étais heureux d’être là.

Au petit matin, j’ai retrouvé Amid qui avait passé la nuit dans un refuge de montagne plus bas, il m’a dit en rigolant « Ça va tu n’as pas eu trop froid ? Les policiers ont très bien dormi, ils étaient tous rassurés d’avoir ta décharge »

Le Sud du Maroc en stop

Après ce passage à plus de 4000M, j’ai ensuite continué ma route en bus vers le Sud du Maroc jusqu’à Guelmin. On appelle cette zone « les portes du désert ». J’étais au bon endroit pour commencer le stop. Au début quelques voitures m’ont permis de parcourir de courtes distances jusqu’à la dernière qui m’a déposé à une intersection. « Si tu veux aller en Mauritanie c’est par cette route-là, bonne chance… » La portière claque. Je me retrouve seul sur un carrefour rocailleux. L’ambiance est comme le lieu : désert. Je me perds à m’émerveiller devant une brume légère venue de l’Océan qui voile le coucher du Soleil. Soudain je réalise… Si je ne veux pas passer la nuit ici, j’ai intérêt à ce que ma bonne étoile m’apporte un camion. Alors j’attends, partagé entre émerveillement et inquiétude. Certains camions passent mais ne me prêtent aucune attention. D’expérience, je sais que c’est le stress du début. Celui que je ressens à chaque commencement d’aventure. Car c’est maintenant ou jamais pour faire marche arrière. C’est ici que tout se joue. Le premier pas est à faire et je sais pertinemment qu’une fois monté dans le premier véhicule, il n’y aura pas de retour possible. Le second pas suivra automatiquement !

Quelques minutes plus tard, un panache de poussière me réveille. Un camion vient de freiner devant moi. La vitre passagère se baisse et une musique et de la fumée en jaillissent. Le conducteur, cigarette à la bouche, me fait signe de monter. Ça y est, ma route était lancée, plus rien ne pouvait m’arrêter dans mon idée d’aller le plus loin possible à travers le désert, maintenant je ne pouvais que continuer, et tout droit ! J’ai ainsi enchaîné le stop à bord de camions de marchandises, frigorifiques et citernes pendant plusieurs jours. Et de jour comme de nuit en multipliant les rencontres. Certaines nuits, je trouvais un toit dans des endroits assez improbables. Je me rappellerai toujours de Moustapha « Axel tu dois descendre ici. Il y a une station-service un peu plus loin, tu pourras leur demander de l’aide » me dit-il en
m’extirpant de mon sommeil. « Mais il est bientôt minuit »

Mon arrivée en Mauritanie

Et finalement, après un total de 1200 km en stop, de longues heures d’attente au bord des routes sableuses, et un jour entier bloqué à la frontière, j’arrive enfin en Mauritanie.
J’atterris rapidement dans la 2ième plus grande ville de Mauritanie : Nouadhibou, c’est là que j’ai par hasard été royalement accueilli dans une famille locale. La première chose qui va me frapper l’esprit c’est cette sensation que la vie ici paraît totalement hors du temps. Les routes sont sableuses, les déchets volent au grès du vent et les voitures sont des morceaux de ferraille reconstitués. Le deuxième point tient à l’hospitalité Mauritanienne qui est légendaire. Une famille m’a accueilli chez eux sans que je demande leur hospitalité. « Viens visiter ma maison, je te présente ma famille ! On va bien manger. » m’a dit le père de famille dans la rue. Alors après des rencontres magnifiques et un peu de repos, j’ai repris ma route ou plutôt…

Embarquement imminent à bord du train du désert

Considéré comme un des plus longs et dangereux trains de marchandises au monde, ce monstre métallique de 2,5km de longueur, traverse une partie du Sahara sur 700km. Il achemine du minerai de fer depuis le Nord de la Mauritanie jusqu’à la côte.
Les locaux l’utilisent par défaut comme moyen de transport pour rallier les villes de Nouadhibou, Choum et Zouerate afin de faire des affaires et voir leur famille. Parmi cette centaine de wagons disponibles, j’ai trouvé le mien. Il sera ma maison pour les douze prochaines heures. J’ai de l’eau et de la nourriture. L’arrivée est prévue vers 3h du matin à Choum (village perdu en plein désert). Adossé à l’échelle métallique du wagon, je suis fasciné par ce paysage qui défile derrière mon masque de ski. Une protection indispensable face aux grains de sable et poussière de fer. J’ai l’impression de vivre un rêve éveillé. Comme dans Star Wars, je suis un chasseur de primes sur Tatooine. Le Soleil s’est couché, j’ai revêtu mes polaires et mon habit local. La nuit s’annonce froide. Le berbère aventurier s’endort malgré les grondements métalliques.

Exploration au coeur de la Mauritanie

Si déjà je me sentais en aventure, alors là j’étais arrivé au cœur de la Mauritanie en un point de non-retour. J’y ai passé au total 7 jours à vagabonder, rencontrer, découvrir et prendre mon temps. J’avais 2 objectifs : le premier, celui de partager du temps avec les locaux. C’était très facile, pour ça un grand sourire permet d’établir un premier contact puis vient le partage du thé. Après ça ils voulaient même déjà me marier. Dès ma descente du train, j’ai eu la chance de rencontrer Moustapha et Didi avec qui j’ai partagé beaucoup de temps. Ils m’ont emmené dans ce qu’ils appellent la brousse. C’est là qu’ils gardent leurs dromadaires en liberté. J’ai pu expérimenter cette conduite très sportive pour la première fois. Ils m’ont aussi fait découvrir un minerai précieux et vieux comme le monde au milieu de nulle part : l’or.
L’or et le fer font partis des deux principaux produits miniers d’exportation de la Mauritanie. Les mines sont isolées et les conditions de travail éprouvantes. J’ai rencontré les ouvriers, ils étaient peu bavards et fatigués… Des rencontres j’en faisais tous les jours. Et en tant qu’étranger européen les habitants étaient tous curieux de ma présence en solitaire.

Mon deuxième, celui d’apprendre et d’expérimenter dans le désert. Ma stratégie : un apprentissage progressif. Petit pas par petit pas, j’ai voulu me mettre en difficulté sans pour autant me mettre en danger. J’ai d’abord demandé à mes fervents amis Moustapha et Didi de me laisser là, seul autour d’un rocher à 13km du village. J’ai établi mon campement et observé la faune et flore locales. Mais plus tard dans la nuit, mes amis n’ont pas pu s’empêcher de me rejoindre pour partager un barbecue surprise. J’ai ensuite renouvelé l’expérience, à 160 km au Sud dans la réserve naturelle d’Atar. Là le défi était la traversée d’une oasis à une autre. J’ai trouvé par hasard dans le désert de vieux vestiges, d’anciennes inscriptions sur les parois des rochers servant d’abris aux bergers, ou encore d’anciennes routes tracées par une simple ligne de cailloux. Ces vieilles routes m’ont intrigué, elles n’étaient sur aucune de mes cartes. Serait-ce le vestige des anciennes caravanes ? Mes réserves en eau se réduisant j’ai décidé de retrouver la civilisation au plus vite et de laisser ces anciennes routes derrière moi.

Retour vers la côte en train

Après avoir expérimenté le désert, il était temps pour moi de terminer cette fameuse traversée du Sahara par la côte. Il y a une vieille route qui traverse le pays jusqu’au Sud. Ça aurait été un très bon choix pour réaliser et finir mon défi mais j’y sentais la fin trop proche. Peut-être le goût amer d’un accomplissement arrivé trop tôt. Alors je suis retourné sur mes pas pour reprendre ce fameux monstre métallique qui m’avait tant fasciné. Cette fois-ci, j’ai voulu être encore plus curieux et commencer directement à la source : c’est à dire là où le minerai est extrait, je voulais le voir de mes yeux et je n’ai pas été déçu. Un habitant m’a généreusement emmené jusqu’à l’entrée de la zone industrielle de la mine. A peine, je descendais de la voiture qu’il repartait déjà. Les gardes surpris de voir un étranger sont venus à ma rencontre. Ne sachant que faire de moi, le directeur de la sécurité a fait son apparition. Après avoir expliqué ma situation, il m’a dit : « C’est d’accord, vous pouvez passer la nuit avec les gardes au poste de sécurité et demain matin nous vous faisons monter dans le premier train ».
Au réveil, j’ai fait le tour de la mine en 4×4 avec un agent de la sécurité. C’est un immense complexe, presque lunaire, la montagne est dévorée par des machines immenses et un panache de poussière de fer recouvre les lieux. L’air n’est pas recommandé pour les poumons, même dans la voiture, nous nous protégeons avec notre cheich (turban qui protège la tête de la chaleur et le visage du sable et du Soleil).
Plus tard dans la journée, je vais être placé à bord d’un train chargé en minerai de fer. Le personnel m’a donné 4L d’eau et un paquet de bonbons. Autour de moi, un convoi de 120 wagons va partir acheminer des tonnes colossales de fer vers la côte à 700km d’ici. Je suis seul à bord de l’un de ces wagons, le voyage va commencer. Cette fois-là, j’attendis 4h sous un Soleil de plomb que le train finisse son chargement, puis 20h à parcourir l’immensité désertique du Sahara, des panaches de poussière de fer me fouetteront en continue le corps et des températures avoisinant zéro degré me feront passer une nuit très courte. Un périple qui restera à jamais gravé dans ma mémoire.

Mon arrivée au Sénégal

Après tout ce que j’avais traversé, terminer la descente de la Mauritanie pour arriver jusqu’au Sénégal en stop a été un jeu d’enfant. Une seule route droite, certes complètement cabossée mais toute droite. Arrivé au Sénégal, mon corps a réalisé que l’aventure était finie. La pression est redescendue pour laisser surgir la fatigue puis la fièvre. L’aventure venait de se terminer. Dès mon arrivée, j’ai littéralement comaté pendant 4 jours chez un ami qui vit à Dakar. De retour en France, et suite à de fortes fatigues, mes analyses de sang ont montré un taux de fer presque 3 fois supérieur au maximum… On se demande bien pourquoi. Il m’a fallu plus d’un mois pour récupérer entièrement physiquement et évacuer tout l’excès de fer présent.

Conclusion

Cette expérience m’a permis de réaliser qu’à l’image du berger Santiago qui m’avait inspiré, j’ai réussi mon défi de traverser le Sahara par la côte Ouest. Même si on reste encore loin des récits de caravanes de dromadaires qui parcourent le désert, mon récit s’inscrit dans l’ère du temps de part la technologie satellite, les moyens de transports modernes ou encore les conflits géopolitiques d’aujourd’hui que j’ai pu rencontrer.

Au cours de mon voyage, tous les hommes que j’ai rencontrés ne se seraient jamais entendus entre eux à cause des différentes ethnies, des frontières et de la répartition des ressources premières, mais chacun d’entre eux a eu le cœur sur la main quand il s’agissait de me donner à boire ou un toit où dormir. Je ne me suis jamais senti en danger.
Ces aventures qui me poussent physiquement me rendent différent. Une version meilleure de moi-même rentre retrouver ma famille. J’apprécie chaque moment simple à mon retour. Car je sais que ce sont ces souvenirs qui me font tenir dans les moments difficiles.

Alors si vous aussi vous avez un projet qui semble un peu fou. N’écoutez pas les « n’y vas pas, ne fais pas ça », laissez s’exprimer la petite voix d’enfant qui sommeille en vous. Car le monde est bien trop vaste et riche pour rester sans rien faire. Alors si vous avez un doute sur votre place, allez une journée ou deux en montagne, et la nature se chargera de vous remettre sur votre droit chemin.